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Le 20 février dernier a été annoncé l’adhésion de la Martinique à la Communauté des Caraïbes (CARICOM) en tant que membre associé. Certains y voient une opportunité inédite d’intégration régionale et de diversification économique, tandis que d’autres pointent du doigt une décision aux contours encore flous.

Mais concrètement, que signifie cette adhésion ? Quels en sont les enjeux et les bénéfices potentiels pour l’île et ses entrepreneurs ?

Serge Letchimy, Président de la CTM, signe l’adhésion de la Martinique à la CARICOM. Source : Antilla Martinique

La CARICOM : Un bloc régional influent, mais sous-exploité

Créée en 1973 par le Traité de Chaguaramas, la CARICOM regroupe 15 États membres et 5 membres associés dans la région caribéenne. Son objectif : favoriser l’intégration économique, la coopération politique et l’harmonisation des politiques régionales.

Un marché sous-exploité par la Martinique

Jusqu’à présent, la Martinique, bien qu’ancrée géographiquement dans la Caraïbe, a souvent fonctionné comme une extension de l’Europe, bénéficiant des avantages de son statut de région ultrapériphérique (RUP) de l’Union Européenne. Le commerce avec ses voisins caribéens est resté marginal, notamment en raison de différences réglementaires, linguistiques et monétaires.

Pourtant, avec 18 millions de consommateurs potentiels, la CARICOM représente un marché non négligeable.

L’adhésion en tant que membre associé permet donc à la Martinique de s’ouvrir à de nouvelles opportunités commerciales et stratégiques, sans pour autant renoncer aux avantages de son appartenance à l’UE.

Mais cela suffira-t-il pour réellement renforcer son positionnement économique dans la région ?

Siège de la CARICOM

Un tremplin pour les entrepreneurs martiniquais

L’intégration de la Martinique à la CARICOM ouvre plusieurs perspectives :

1. Un accès à un double marché : européen et caribéen

En rejoignant la CARICOM, la Martinique se positionne comme un hub commercial stratégique entre l’Europe et la Caraïbe. Son accès privilégié aux marchés européens via l’UE pourrait être un levier attractif pour les entreprises souhaitant commercialiser leurs produits vers la Caraïbe tout en conservant une assise européenne.

Si l’adhésion de la Martinique à la CARICOM est bien exploitée, elle pourrait représenter une véritable opportunité pour les entrepreneurs locaux, notamment dans certains secteurs clés :

1. Le commerce et l’exportation

Les entreprises martiniquaises pourront accéder plus facilement aux marchés voisins et développer des partenariats commerciaux. Les produits agroalimentaires locaux (rhum, fruits tropicaux, épices) pourraient conquérir de nouveaux débouchés.

2. Le numérique et la tech

Avec la montée en puissance du numérique dans la région, les startups martiniquaises spécialisées dans le e-commerce, la fintech ou encore les solutions no-code auront une carte à jouer.

3. Le tourisme et l’événementiel

Un rapprochement avec les autres îles pourrait dynamiser le tourisme inter-îles, aujourd’hui encore trop limité.

4. La formation et l’éducation

Des accords pourraient être signés pour favoriser la mobilité des étudiants et des travailleurs entre la Martinique et les autres territoires de la CARICOM.

5. Un levier pour les énergies renouvelables

Avec une dépendance énergétique encore forte, la Martinique pourrait bénéficier des initiatives régionales en matière d’énergies renouvelables, notamment avec des pays comme la Jamaïque ou la Barbade qui ont investi massivement dans ces secteurs.

Des défis non négligeables : La CARICOM, un levier réellement efficace ?

Malgré ces opportunités, l’adhésion de la Martinique à la CARICOM soulève plusieurs questions :

1. Un marché fragmenté et peu intégré

La CARICOM, bien qu’ambitieuse, souffre d’un manque de cohésion économique et d’une intégration limitée. Les barrières commerciales, les différences réglementaires et les problèmes logistiques freinent encore les échanges intra-régionaux. La Martinique pourra-t-elle surmonter ces obstacles et réellement en tirer profit ?

2. Une reconnaissance institutionnelle sans réels pouvoirs ?

En tant que membre associé, la Martinique pourra assister aux réunions et participer aux discussions, mais elle n’aura pas le même pouvoir de décision que les membres à part entière. Sa voix portera-t-elle suffisamment pour défendre ses intérêts ?

3. Une dépendance à la France et à l’UE

Bien que l’intégration régionale soit un objectif affiché, la Martinique reste profondément ancrée dans l’économie française et européenne. Son adhésion à la CARICOM ne doit pas la placer dans un entre-deux complexe, où elle ne tirerait pleinement parti ni de l’UE ni de la Caraïbe.

De mon point de vu, c’est un petit pas, qu’on peut considérer comme un pas de géant.

La Martinique peut-elle enfin devenir un acteur caribéen majeur ?

L’adhésion de la Martinique à la CARICOM marque un tournant historique, mais tout dépendra de la capacité des décideurs et des entrepreneurs locaux à s’emparer de cette opportunité.

Il ne suffit pas d’adhérer à une organisation pour en tirer profit. Il faudra des stratégies claires, une volonté politique affirmée et des investissements ciblés pour que la Martinique devienne un véritable acteur économique au sein de la Caraïbe.

Car soyons clairs : cette adhésion peut soit devenir un levier de croissance inédit pour la Martinique, soit rester une coquille vide sans impact réel. Tout dépendra de notre capacité à nous organiser, à structurer nos échanges et à saisir les opportunités là où elles se trouvent.

Un pari à surveiller de près

Les premiers mois de cette adhésion seront décisifs. Comment la Martinique va-t-elle structurer ses relations commerciales avec la CARICOM ? Quels accords concrets seront signés ? Comment les entreprises locales seront-elles accompagnées dans cette transition ? Autant de questions qui nécessiteront des réponses rapides et efficaces.

La Martinique a une carte historique à jouer. Reste à savoir si elle la jouera avec ambition ou si elle restera spectatrice d’un jeu dont elle pourrait pourtant être un acteur clé.