Interview : l’Impact de l’IA sur le Concept Art

P.S : C’est aussi lui qui a fait l’illustration Babaven 😌 que vous pouvez voir ici ou sur la bannière de la chaîne youtube.

Parlez-nous de votre parcours, depuis vos débuts dans les Caraïbes jusqu’à votre arrivée dans les grandes entreprises françaises.

Mon parcours commence avec un bac S au lycée de Trinité en Martinique, suivi de deux années en DEUG MIAS (Mathématiques et Informatique Appliqués aux Sciences) sur le campus de Schoelcher. À ce moment, je me suis rendu compte que je n’étais pas passionné par ce domaine. J’ai alors pris une décision difficile mais essentielle : suivre ma passion, le dessin !

À 22 ans, alors que beaucoup de mes camarades signaient des CDI, j’ai décidé de repartir à zéro en intégrant l’école Emile Cohl à Lyon. Là-bas, j’ai acquis des bases solides en dessin et une discipline qui m’ont permis d’obtenir mon premier poste à 27 ans en tant que Marketing Artist 2D chez GOOD GAME STUDIO en Allemagne.

Quelles ont été les étapes clés de votre évolution ?

Cette expérience m’a permis de développer mes compétences en marketing, en dessin, mais aussi en anglais, ce qui a été un véritable tremplin pour ma carrière. De retour en France, j’ai rejoint PRETTY SIMPLE où j’ai eu la chance de travailler directement sur des jeux vidéo en tant que 2D Artist.

Cette expérience m’a permis de collaborer avec des artistes parmi les meilleurs de l’industrie. C’est à ce moment-là que j’ai découvert ma véritable passion : la création de personnages, ce qui m’a conduit à devenir Character Concept Artist.

À 34 ans [mieux vaux tard que jamais 🤣], j’ai rejoint le studio Tindalos Inc. sur la licence Alien, un projet stimulant qui a duré trois ans.

Parallèlement, je suis illustrateur, représenté par l’agence Shannon Associates à New York, ce qui m’a permis de collaborer avec des géants comme Marvel, Disney, et Penguin Random House.

Le passage au numérique a bouleversé de nombreux secteurs artistiques. Comment le digital a-t-il influencé votre travail et votre manière de créer ?

Le numérique a apporté une grande flexibilité à mon travail. Il permet de gagner du temps et de répondre aux demandes spécifiques des clients, notamment pour des retouches sur les concept arts ou illustrations.

Le digital me permet également d’innover plus facilement, que ce soit en termes de couleurs ou de styles graphiques, et d’utiliser des outils comme la 3D ou la photographie pour répondre aux standards de l’industrie.

Enfin, le numérique m’a offert l’opportunité de travailler à l’international avec des clients divers, ce qui a grandement contribué à ma stabilité financière.

L’intelligence artificielle devient de plus en plus présente dans le domaine de la création. En tant qu’artiste, craignez-vous que l’IA remplace une partie de votre métier, ou voyez-vous cela comme une opportunité d’enrichir votre processus créatif ?

Je parle ici de l’IA générative, comme Midjourney…

Remplace déjà certains métiers créatifs, et cela ne concerne pas seulement l’industrie artistique. Cependant, pour le concept art dans les jeux vidéo, les demandes restent trop spécifiques pour être entièrement gérées par une IA.

Un artiste doit toujours intervenir pour ajuster et affiner le travail.

L’IA peut certes accélérer la création de certains éléments, mais elle manque souvent d’originalité et d’émotion. Cela se voit dans certaines productions qui misent uniquement sur l’IA et qui souffrent d’un manque flagrant de direction artistique.

De plus, les grandes maisons d’édition spécifient souvent dans leurs contrats qu’aucune image générée par IA ne peut être utilisée, car ces créations ne peuvent pas être protégées par des droits d’auteur.

Je considère l’IA comme un outil parmi d’autres, comme Photoshop, à condition d’avoir un œil artistique affûté pour en tirer profit.

Quels sont, selon vous, les défis spécifiques auxquels les artistes des régions comme les Antilles peuvent faire face lorsqu’ils tentent de s’imposer à l’international, et comment peuvent-ils les surmonter ?

Déjà il faut savoir que les préjugés que l’on peut entendre sur les Antillais ne se retrouvent qu’en France. Donc on peut se lancer sans aucune crainte dans une carrière à l’international en tant qu’artiste antillais.

Le véritable défi est de comprendre ce que les entreprises internationales valorisent et de ne pas rester enfermé dans une mentalité franco-antillaise.

Si vous voulez travailler à distance depuis les antillais, la qualité du travail, l’originalité et l’expérience sont des facteurs décisifs pour intégrer une équipe internationale.

Quoi qu’il arrive, je pense qu’il faudra quitter à un moment ou un autre ses racines avant d’y revenir un peu plus tard…

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Antillais passionnés par le dessin et le digital, qui souhaitent se lancer dans une carrière de concept artist ?

Je leur dirais de ne pas hésiter à partir à l’étranger [pas forcément de façon définitive 😅], pour s’améliorer artistiquement et mentalement. Cela leur permettra également de comprendre comment les autres cultures pensent, fonctionnent et s’en inspirer.

Un américain ce n’est pas un Français qui parle anglais, il ne pense pas du tout comme pourrait le faire un espagnol, un japonais, un français. Ainsi, mieux comprendre l’autre permet de nouer de relations des partenariats sur le long terme partout dans le monde pour diversifier son approche artistique et ses revenus.

Il est important de nouer des relations internationales et d’enrichir son parcours en s’inspirant d’autres perspectives.